HISTOIRE DE LA MEDECINE ESTHETIQUE
"Une Histoire de la Médecine Morphologique et Anti-âge"
Des papyrus d’Ebers aux lasers, comblements et toxine botulique
Dr Isabelle PAUL-GUENOUN © 2008
IV - LA RENAISSANCE - le XVI °siècle
A la sortie du Moyen Age, le cosmos s’élargit et l’on découvre la planète avec C.Colomb,et J.Cartier; nouvelles visions de l’homme, des maladies, des plantes. L'humanisme naissant ouvre un nouveau regard sur le monde et la science. C’est une période marquée en Europe par les guerres d’Italie, la réforme, les guerres de religion, Rabelais, Montaigne, l’imprimerie, les arts italiens.
La conception du nu dans l’art objective un accès au corps plus facile, les médecins n'hésitent plus à explorer le corps et a le représenter, la curiosité pousse a disséquer les cadavres, en Italie, à Paris, à Montpellier.
4.1 LA MEDECINE
4.1.1 - Naissance de l’anatomie et de la chirurgie
Parmi les savants qui osent braver le tabou, le plus connu est sans doute André Vésale de Bruxelles (1514-1564) de l'université de Padoue, auteur en 1543 du De humani corporis fabrica.
Médecin de Charles Quint, dans un amphithéâtre devant des étudiants venus de l'Europe entière, il pratique de nombreuses dissections sur des suicidés ou des condamnés à mort. Souvent ces dissections publiques duraient jusqu'à ce que les chairs soient trop avariées pour permettre toute observation. Des personnalités assistent à ces dissections et ne sont plus poursuivies. L'Eglise et l’inquisition ferment les yeux. C'est une véritable révolution des connaissances en anatomie qui étaient restées sclérosées depuis les travaux de Galien sur des animaux au IIe siècle.
Ces progrès de la connaissance vont précéder la question de l‘expérimentation chirurgicale permettent à la chirurgie d'échapper à son statut d'art mineur pour devenir progressivement une discipline à part entière de la médecine, d’autant que les chirurgiens sont confrontés à des blessures nouvelles du fait de la généralisation des armes à feu. En France, Ambroise Paré (1510-1590), père de la chirurgie militaire et par là même de la chirurgie française, chirurgien de 4 Rois : Henri II et ses 3 fils François II, Charles IX et Henri III incarne à lui seul ce changement de statut(9).
En inventant en 1552 la ligature des artères, lors des amputations sur les champs de bataille, abandonnant la cautérisation à l’huile bouillante, il sauve les amputés d'une mort quasi-certaine et devient un des praticiens les plus reconnus de son temps.
Pendant ce XVIe siècle, l'imprimerie va faciliter la diffusion, mais surtout la collaboration des artistes avec les anatomistes et le monde médical va rendre très performantes les représentations anatomiques. (Léonard de Vinci, Michel Ange, Paul Véronèse).
17-Léonard de Vinci, Crâne Passarotti Bartolomeo (1529 - 1592)
18- "Leçon d'anatomie donnée par Michel-Ange à des artistes" ; 1489
4.1.2 La pharmacopée, les apothicaires
Sous le règne de Catherine de Médicis, la France découvre la pharmacopée importée d’orient, jusqu’à l’apparition de la chimie on utilise en cosmétologie de l’oignon de lys, les huiles d’amande douce, des produits nouveaux apparaissent avec les échanges commerciaux, on utilise le citron, le riz, le sucre, le beurre de cacao, des crèmes à base d’eau, de cire, de miel d’ amande douce,et d’eau de rose.
4.2 - Régression de l'hygiène corporelle (Révélation de l'expression de la beauté)
Après la sombre période du Moyen-âge, c'est le retour à l'humanisme gréco-latin, la renaissance du goût pour la vie sur cette terre, la réapparition du corps humain nu dans l'art, le goût du luxe et de la sensualité... "faire de sa vie une oeuvre d'art, embellir son corps, lutter contre le vieillissement".
4.2.1 Le bain uniquement utilisé en remède
Les bonnes pratiques d’hygiène corporelle sont délaissées car la crainte des terribles épidémies, dont l'Europe est encore loin d'être préservée, est omniprésente, et les connaissances scientifiques sont rudimentaires, encore très proches de l'alchimie (on vient à peine de découvrir que la Terre est ronde), où superstitions et croyances aux pouvoirs magiques sont encore bien souvent les compromis les plus rassurants.
Le souci de la propreté est perdu au profit du commerce croissant des parfums. Ceux-ci sont alors considérés (en plus d'excitants de la sensualité) comme un moyen sûr de prévention contre les maladies contagieuses, de la peste en particulier.
Il en sera ainsi pendant près de trois siècles; les bains ne seront utilisés que pour des raisons médicales, ou par des marginaux "...et ceux qui le font se bornent à une ou deux fois par été, c'est-à-dire par année!" Encore faut-il savoir que l'eau courante n'existait pas, que les citadins devaient se rendre dans des "cabanes" spécialement construites à cet effet et que Paris n'en comptait que cinq ou six.
4.2.2 -L’explosion des soins cosmétiques, mêlant alchimie et toxiques
Après les formules de Nicolas Flamel, alchimiste français du XIVe siècle, qui aurait découvert la pierre philosophale, permettant non seulement de transformer le mercure en or mais aussi de fabriquer un élixir de jouvence (la Panacée, le médicament universel), ouvrant la porte de la vie éternelle. Les dangers potentiels des produits appliqués pour son entretien sont ignorés, bien que constatés par tous, comme le raconte Vigarello dans ses livres : le sublimé ou vif argent à base d’arsenic rend « l’haleine puante, les dents noires et à la fin les faits tomber » (11) , le plomb ride la peau, la dessèche, la noircit ou encore « J’entre là ou j’entends nommer les plus belles réputations. Je ne vois que céruse, fard, cochenille, cils pelés, visages écorchés, dents gâtées « (12); ou comme le rapporte un portrait de Marguerite de Navarre en 1586 "Elle avait le visage déchu et avalé tant par la force des fards que par les artifices (13)";ainsi la céruse, qui contient du plomb, dans les recettes de Le Fournier en 1552, est "lavée, vénitienne, fort blanche, doulce, de plomb commun", et on continue d’utiliser le sublimé, ou vif argent a l’arsenic et même la chaux vive pour fabriquer une eau parfaite « angélique »(14)
Pour obtenir un teint transparent, Lucrèce Borgia (1480-1519) utilisait un onguent réalisé à base de lait de femme et d'huile d'olive, dans lesquels étaient mélangées des paillettes d'argent et des perles finement broyées; on utilise aussi un lait à base de concombre, le "lait virginal" est a base d’eau de rose et de glycérine.
Concernant le maquillage, il s'agit de l'époque du renouveau(15), et les femmes, qui ont enfin le droit d'être belles et attirantes, maquillent leurs lèvres, leurs joues, leurs ongles et parfois le bout des seins, de rouge vermillon; on se maquille les cils et les sourcils à l’antimoine noir, on teint les cheveux en "blond vénitien" obtenu par l’application d’un mélange de safran et de citron et une exposition au soleil avec un chapeau sans calotte pour se protéger le visage. Il s'agit d'un blond presque roux, immortalisé par la "Vénus" de Botticelli. Leur teint diaphane, obtenu avec de la céruse ou des poudres à base de perles orientales, est sublimé par de magnifiques bijoux.
Toutefois, les préoccupations touchent toujours le « haut » : "Quel besoing de soucier des jambes puisque ce n’est pas chose qu’il faille monstrer", écrit-on dans un manuel d’instruction des filles en 1597. Les parties basses sont "devenues pilotis", les parties moyennes "offices et cuisines" et les parties hautes "faites pour le regard et l’apparat". Le corps devient édifice où se déclinent le noble et le vulgaire.
A cette période de beauté ultime succède la Réforme, nouveau règne de pudeur, où la coquetterie redevient "promise aux feux de l'enfer". Mais les femmes se révoltent, et ouvrent l'ère à de véritables folies cosmétiques. Le siècle des Lumières s'annonce.
4.3 REPERES DANS L’ART
19-La Naissance de Vénus, Sandro Botticelli, 1485 Galerie des Offices, Florence ; 20 Diane de Poitiers maîtresse de Henri II rivale de Catherine de Médicis par François Clouet