HISTOIRE DE LA MEDECINE ESTHETIQUE
"Une Histoire de la Médecine Morphologique et Anti-âge"
Des papyrus d’Ebers aux lasers, comblements et toxine botulique
Dr Isabelle PAUL-GUENOUN © 2008

  8.6 - DEBUT DES LASERS(31)

   L’histoire du laser met en évidence l’importance des préjugés scientifiques. En effet, ce n’est que vers 1960-1970 que va commencer l’utilisation des lasers, de l’acronyme ; Light Amplification By Stimulated Emission, reposant sur  l’utilisation de l’émission stimulée découverte presque 50 ans plus tôt par Einstein. Voilà ce que nous dit Pierre Gilles de Génes, prix Nobel :
   "Il y a eu une explosion en physique et nous en sommes tous conscients, tout à coup les techniques sont au point et les découvertes jaillissent, les gens construisent et n'ont pas encore le temps de se perdre. Nous avons eu, dans ce siècle, en physique, quelque chose qui est de cette nature avec tout le foisonnement que cela implique. La grande explosion s'est faite entre 1890 et 1950. Le raisonnement a précédé l'outil. Dans le cas du laser son histoire est curieuse. Quand on a un système atomique à deux niveaux, s'il est placé dans le niveau du bas une radiation peut le faire transiter : c'est un mécanisme d'absorption. Au contraire, si on a eu l'intelligence, en général via d'autres niveaux, de placer ce système dans son niveau excité, alors là une radiation pourra le faire retomber ; donc ce système intelligemment préparé sera un amplificateur naturel de lumière et même un oscillateur. Cette idée extraordinaire est venue d'abord dans le domaine des micro-ondes avec C. Townes plutôt que de l'optique et puis, elle est parvenue à la lumière visible, par une série de réalisations différentes. Une science totalement imprévue émerge dans les années qui suivent. Du fait même qu'on a des faisceaux cohérents et de grande amplitude, on a la possibilité d'une optique complètement nouvelle, où les phénomènes non linéaires deviennent importants; on entre de la lumière rouge et on ressort de la lumière bleue : on peut propager des impulsions très courtes, parce qu'on peut s'arranger pour les bloquer par des mécanismes non linéaires. Mais il est curieux de noter que les principes du laser étaient présents, en un certain sens, dès la première génération, dès Einstein. Et on peut se demander pourquoi le laser n'est apparu qu'en 1960 et non pas dans les années trente. Le résultat net est là, nous avons cet outil qui est un des symboles de notre époque." 

   8.6.1 - Petite histoire des lasers : Einstein, Townes, Maiman

  L'histoire du laser débute donc avec Albert Einstein, il y a presque un siècle. Il reprend les travaux de Planck, Boltzmann et Bohr (théorie corpusculaire de la lumière : le photon à l'origine de la physique quantique) et, pour résoudre les équations du corps noir, il doit envisager théoriquement l'existence d'une nouvelle forme d'interaction matière-énergie en plus de l'absorption et de l'émission spontannée déjà connues.spontaneous_and_stimulated_emission
  Dès 1905, alors qu'il vient de présenter sa théorie de la Relativité Restreinte, Einstein travaille aussi sur l'absorption de la lumière par la matière, et met en évidence le fait que des atomes métalliques peuvent émettre des électrons s'ils sont exposés à des radiations électromagnétiques d'une certaine énergie (fréquence seuil); dont la lumière. La découverte de ce phénomène baptisé "l'effet photoélectrique" lui vaudra le Prix Nobel de Physique en 1921. Il est à noter anecdotiquement qu'Einstein n'a jamais obtenu le prix Nobel pour la Théorie de la Relativité !!!
  En 1917, Einstein présente la théorie de l'émission stimulée, selon laquelle un atome peut emettre, non plus des électrons, mais de la lumière si il est stimulé; c'est à dire si on lui fournit assez d'énergie pour faire "sauter" un de ses électrons sur une orbite plus éloignée du noyau. Cette énergie pouvant être fournie sous forme chimique, électrique, mécanique, thermique ou par un rayonnement électromagnétique comme la lumière.
  Pour exiter un atome il faut qu'il recoive un photon ayant une énergie très précisement égale à la différence entre les nPopulation-inversion-3leveliveaux d'énergie haut et bas de l'électron (2 orbites successives), le photon est alors "absorbé" et l'atome passe à l'état "exité". Cet atome exité est instable et peut :
  - soit se désexiter spontannément au bout d'un temps aléatoire en émettant un photon de même énergie que celui qu'il a reçu et revenir à un état stable : émission spontannée (fluorescence, phosphorescence, éclairage néon,....)
  - soit s'il reçoit un 2ème photon alors qu'il est éxité, émettre 2 photons parfaitement identiques et revenir à l'état stable : emission stimulée; ces 2 photons ont même longueur d'onde, même direction, même phase, même polarisation.
  On comprend alors que ce phénomène permet une amplification de la lumière et la production d'un faisceau de lumière MONOCHROMATIQUE (longueur d'onde pure) ET COHERENTE(direction, phase et polarisation unique). C'est la lumière LASER.  39 - Diagramme de Jablonski : différents niveaux énergétiques atomique :  état fondamental, états singulets.

   En 1950, Alfred Kastler (Prix Nobel de physique 1966) découvre comment obtenir un maximum d'atomes à l'état éxité dans un matériau en le soumettant à de très intenses décharges de lumière polarisée, on parle "d'inversion de population" c'est le "pompage optique". Ceci ouvre la voie au précurseur du laser : le MASER.
   En 1953 Townes met au point un dispositif basé sur l'émission stimulée et le pompage optique pour produire un faisaceau monochromatique et cohérent de MICRO-ONDES (rayonnement de longueur d'onde milimetrique au delà des infra-rouges et de la lumière visible. C'est le MASER qui utilise l'Hydrogène ou l'Amoniaque comme substrat, l'émission stimulée et un oscillateur (haute fréquence) analogue à ceux utilisés pour les ondes radio.
    Puis, en 1957, en collaboration avec Arthur Schawlow, il publia les premières propositions détaillées de masers optiques (rayonnement I.R et visible) utilisant une cavité résonnante (connue comme cavité de Fabry-Perrot). Ils déposèrent une demande de brevet en 1958. En 1960, ils obtinrent enfin le premier brevet de LASER.
   Il faut comprendre la cavité résonnante comme une enceinte close aux parois réflechissantes (miroir) dans laquelle est enfermé le matériau dont les atomes font l'objet d'une exitation, et qui est "illuminée" par une source très puissante de lumière, provoquant ainsi un pompage optique et une inversion de population dans le milieu utilisé (solide, liquide ou gaz).
40-  Principe du laser : milieu amplificateur, système d’excitation, cavité de résonance

   Le premier laser fonctionnel est fabriqué par Théodore Maiman en 1960. Il découve que les ions de chrome d'un rubis artificiel émettent de la lumière rouge lorsqu'ils sont irradiés par la lumière verte d'une lampe au xénon. En déposant une couche d'aluminium à chaque extrémité d'un cylindre de rubis entouré d'une lampe à éclats hélicoïdale, le tout disposé à l'intérieur d'une cavidté aux parois réflechissantes, Maiman réussit à produire le premier "rayon laser optique". L'année suivante, le laser à hélium-néon, l'un des plus couramment utilisés aujourd'hui, est inventé. Notons que le terme laser ne fut pas utilisé avant 1965. ( maiman_196041- Maiman et le premier laser)


Après  l'invention du premier laser Rubis,on verra se développer d’autres des lasers solides, liquides ,ou  à gaz utilisant des sources d’excitations multiples,des optiques de plus en plus sophistiquées ; les modes de production de rayonnement laser vont se  multiplier, ainsi que leur puissance. leur mode de fonctionnement continu, pulsé,Q switché. Leur utilisation en médecine n’est qu’une partie de l’utilisation qui en sera faite par l’industrie (lasers de coupe, de mesure, de contrôle, lasers militaires de visée, les télécommunications, astronomie, l’information, l’informatique…)

           8.6.2 Histoire des lasers dépilatoires

    A fin des années 1970, un chercheur qui avait exposé, par accident une partie de son bras à un laser YAG, cet incident n'ayant pas provoqué de brulure sur sa peau et il l'oublia. Quelques mois plus tard, il nota une zone dépilée sur son bras. Ayant fait le rapprochement il renouvela l'expérience et le phénomène fut l'objet d'études.
   Les essais cliniques montreront une réduction sensible et permanente de la pousse des poils dans les zones traitées. Le Nd Yag  (1064 nm) fut d’abord utilisé pour l’épilation des lambeaux naso-pharyngo-oesophagien et démontra son efficacité, la zone péri-pilaire n’était pas sensible aux dégâts thermiques et l’épilation était définitive L'approbation de la F.D.A viendra ensuite.
    Dans les deux décennies suivantes, l'épilation au laser va continuer à évoluer, l’objectif étant, par rapport à l’épilation électrique (qui garde ses indications), d’apporter un confort supérieur au patient et à l'opérateur, un meilleur rapport coût efficacité et de diminuer le risque d’effets secondaires. L’objectif des industriels en regard des critères médicaux était de trouver une technologie dont le marché soit le plus large possible, et fiable. Ce sont les longueurs d’ondes, les durées de l'impulsion ainsi que les niveaux d'intensité qui feront l'objet d'études, par rapport à leur cible spécifique qui est à la mélanine comme on le verra, pour minimiser les effets secondaires avec le maximiser l’efficacité.
   On utilisera successivement : le laser Rubis relaxé (694nm) crée 1996, puis les lasers Alexandrite (755) utilisés en relaxés, les diodes, et enfin le laser Nd-Yag long pulse. Les systèmes de refroidissement, les scanners, les différentes "pièces à main" feront l’objet de multiples perfectionnements. 


.         8.6.3 Principes d’application des lasers en dermato-esthétique

    Toutes les spécialités médicales ou presque vont bénéficier de son utilisation grâce à la sEFFETS LASERpécificité de la longueur d’onde produite, et à leur puissance. Après de malheureux incidents en gynécologie et proctologie avec des lasers CO2 en particulier, les traitements et les utilisations vont se protocoliser petit à petit.  Il y aura autant de lasers que d’applications, la connaissance précise des paramètres d’irradiation (longueur d’onde, Energie, Fluence, Irradiance, durée d’impulsion…)  interactions de la lumière et des tissus (coefficients optiques tissulaires, chromophores, coefficients thermiques, temps de relaxation, durée d’impulsion, et de sa succeptibilité, dommage thermique) permet aujourd’hui d’utiliser en dermatologie et en esthétique la majorité des effets tissulaires du laser.

   Les constituants tissulaires qui ont une interaction avec la lumière laser sont les "chromophores"
    4 effets principaux de la lumière laser sur les tissus qui sont utilisés en esthétique :
- l’effet photo chimique : la lumière induit des réactions chimiques, ex : PDT (photothérapie dynamique), activation en présence d’oxygène d’un photosensibilisant.                   
- l’effet photo thermique : l'énergie lumineuse est transformée en chaleur, principale utilisation en dermato-esthétique, grâce aux chromophores naturels de la peau : oxygène, mélanine, et eau avec les lasers KTP, RUBIS ,YAG, CO2 (chauffe, coagulation ou volatilisation )
-l’effet photo ablatif : la lumière provoque une ablation pure par action moléculaire : ex laser Erbium (relissage) 
-les effets photomécaniques : la  lumière crée une onde de choc, surtout l’effet de "photo thermolyse sélective" avec les lasers Q switchés (destruction des pigments de tatouages)

   4 types de lasers utilisés en esthétique :
   Les lasers vasculaires ciblant l’hémoglobine : KTP 532, LCP 590 et le Laser YAG 1064, qui vont être utilisés dans le traitement de la couperose, télangiectasies du visage et varicosités des membres inférieurs.
    Les lasers pigmentaires ciblant la mélanine ou les pigments de tatouages avec les lasers Qswitch Rubis 600, Alexandrite 755 et Yag 1064, traitants les taches pigmentés, lentigos, tatouages.
   Les lasers dépilatoires ciblant la mélanine du poil avec l’Alexandrite 755, certaines diodes 980, ou YAG LP 1064.
    Les lasers ablatifs  ciblant l’ H2O avec le ERBIUM YAG 2340 ; le CO2 10600 pour le  re surfassing, traitement des rides, cicatrices .
    Les lasers  deviennent une véritable  alternative ou complément aux techniques chirurgicale, chimiques, classiques de traitement de la peau et des phanères. A noter que ces lasers de Classe IV seront strictement réservés à l’usage médical, et nécessiteront des précautions d’utilisation rigoureuse en particulier pour prévenir les risques oculaires.