HISTOIRE DE LA MEDECINE ESTHETIQUE
"Une Histoire de la Médecine Morphologique et Anti-âge"
Des papyrus d’Ebers aux lasers, comblements et toxine botulique
Dr Isabelle PAUL-GUENOUN © 2008
8.5 - LES TECHNIQUES MEDICALES DE CORRECTION DES RIDES par des comblements
Le développement des techniques de comblement des rides va réellement commencer après les tentatives de la fin du siècle faites avec de la vaseline et la paraffine.
8.5.1 Le silicone
C’est dans les années 40, que l’utilisation de la silicone hautement raffinée, apparaît comme implant dermique, au niveau du visage et des seins, avec de bons résultats esthétiques. Mais les "excès caricaturaux" (lèvres en bec de canard), son caractère définitif, et les accidents dramatiques dus a l'utilisation de composants frelatés ont abouti à son iterdiction définitive en France, par arrêté du ministère de la santé du 1er Juin 1998.
8.5.2 Les cellules adipocytaires
Ce sont d’abord les chirurgiens qui vont s’orienter vers les greffes adipocytaire(25), le transfert de tissu adipeux est une technique ancienne. On appellera cela le lipofilling.
Depuis sa première utilisation en 1893 par Neuber, le développement de la liposuccion et de l'anesthésie tumescente, vont lui donner un nouvel essor. Plusieurs dermatologues tels que William Coleman, Jeffrey Klein et Gerhard Sattler, vont contribuer au développement de ces methodes.
L’évolution des idées et des techniques s’étendra sur trois périodes (26,27).
La période avant la lipoaspiration appelée : "à ciel ouvert", pendant laquelle le prélèvement du tissu adipeux est réalisé par excision chirurgicale.
Puis la période qui suit la découverte de la lipoaspiration, où on introduit par de très petites incisions, des canules mousses, à bout arrondi, non tranchant, perforées à leur extrémité de plusieurs orifices, connectées à un circuit fermé dans lequel est créée une dépression appelée période "non purifiée" où le tissu adipeux était obtenu par aspiration et réinjecté sans préparation.
Et la troisième période dans les années 90 qui fait suite aux travaux de S.R. Coleman de New York qui va décrire la Lipostructure®, qui est un procédé de greffe d’adipocytes fondé sur un matériel spécifique et une méthodologie stricte où une "purification atraumatique" est réalisée avant le transfert du tissu adipeux.
Cette technique prometteuse en 2004 et encore utilisée aujourd'hui, reste cependant encore mal protocolisée. A ce jour il n'existe pas de technique princeps du transfert d'adipocytes admise par tous; les multiples variations techniques décrites dans la littérature sont proposées dans le seul but de diminuer la résorption partielle du tissu adipeux transféré qui reste le principal inconvénient, le type d’anesthésie, l’infiltration, le site de prélèvement du tissu adipeux, la méthode de prélèvement, la méthode de purification du tissu adipeux, les compléments anabolisants, le site receveur, la technique de réinjection, le nombre de séance de greffe adipocytaire, la congélation du tissu adipeux et les traitements adjuvants postopératoires modifient profondément la tenue des résultats.
Il est à noter que la découverte des capacités de développement des différentes lignées à partir d’une cellule souche mésodermique totipotente, extraite du tissu adipeux, et la culture in vitro de ces cellules qui permet de développer à partir de cette cellule mère des adipocytes, des ostéoblastes, des chondrocytes, des myocytes et des cellules neurone-like, ouvre une autre voie qui sera probablement utilisée pour d’autres techniques reconstructrices.
8.5.3 - Le collagène
La recherche médicale se tournera naturellement vers le collagène en 1970
32-Fibres de collagène dans une matrice biologique, après sublimation de la glace pendant 1heure. 33- Fibres de collagène en microscopie électronique
34- modélisation 3D de la triple hélice de collagène
Protéine de soutien d’armature de la peau, on sait que c’est quantitativement la macromolécule la plus importante du derme (70% du poids sec), mais aussi de l’organisme. La structure particulière de sa molécule de base de tropocollagène, constitué d’une triple hélice A faite de trois chaînes enroulées autour d’un axe central, contenant des Acides Aminés très spécifiques et des pontages inter-moléculaires, va lui conférer ses caractéristiques mécaniques.
Le(s) collagène(s) résultant de son assemblage en fibrilles, fibres, faisceaux, trousseaux, se retrouvent en particulier au niveau du derme, sous forme de collagène mâture (type I) ou jeune (type III) lui conférant une grande résistance à la déformation.
Plus de 7 types de collagènes ont été mis en évidence, les plus importants au niveau de la peau étant le type I (95%) au niveau du derme profond) et le type III (5% ‘derme papillaire); on savait aussi depuis les années 20(28), par des expérience faites sur les tendons de queues de rat par le Professeur Vazar de Bâle, qu’avec l’âge se produisait une diminution du collagène de type I et III, avec un épaississement, une rigidification induite par une glycation en particulier chez le diabétique, et une quasi disparition de ce collagène dans le vieillissement actinique. Il fallait résoudre le problème de la spécificité d’espèce de cette protéine, due à ses télopeptides, pour pouvoir l’utiliser.
Cela fut fait il y a plus d’un siècle, le collagène animal servit d’abord à fabriquer du fil de suture chirurgical; puis les progrès de la recherche ont permis d’élargir l’emploi du collagène à un certain nombre d’applications dont la fabrication de valvules cardiaques.
Ce n’est que plus tard, qu’un groupe de biochimistes et de médecins de l’Université de Stanford, Kligman et Armstrong, ont expérimenté des matériaux de rechange pour les greffes cutanées. Au cours de leurs recherches ils ont lancé l’idée de purifier le collagène animal de façon à le rendre utilisable pour remplacer le tissu humain perdu. Ce n’est qu’ en 1976 qu’une équipe médicale de cette même université réussira à mettra au point le premier collagène injectable, à partir collagène bovin.
Il faudra attendre 1981 pour que la FDA accorde la mise sur le marché de ce produit qui sera rapidement commercialisée aux USA et en France. Le traitement non chirurgical des rides est alors lancé. Il sera suivi en 1985 par un collagène plus réticulé qui recevra aussi l’agrément de la FDA.
En France c’est en 1987 que ce collagène américain ZYDERM® obtient une AMM, (sachant que les produits de comblement seront considérés comme des dispositifs médicaux implantables en 1996, et n’ont pas besoin d’AMM, c’est donc une garantie d’utilisation supplémentaire). Les conditions d’utilisations étant strictes, en particulier l’utilisation systématique du double test à 4 semaines d’intervalles (3% des patients sont au début positif, et il en reste encore 0,6% après), il y eu très peu d’incidents, et ce fut un excellent produit de comblement. Mais la crise de la vache folle en France le fera pour un temps délaisser. Il sera par la suite remplacé par un collagène proche du collagène humain, d’autres laboratoires se tourneront vers un collagène issu des tendons de porc, déjà utilisé dans les prothèses valvulaires.
Le Dr P Fournier lui aura l’idée d’utiliser du collagène autologue présent dans les membranes du tissu adipeux, le stroma et les septa fibreux, réalisant ce que l’on appelle aujourd’hui l’auto-collagène idée reprise par Zocchi qui décrira une technique de prélèvement et Takasu qui a conçu une technique élaborée de stockage avec de l’azote liquide.
8.5.4 L’acide hyaluronique
Les produits de comblement les plus utilisé aujourd’hui sont à base d’acide hyaluronique, autre constituant essentiel du derme, mais sans spécificité d’espèce. L’acide hyaluronique, comme le collagène fait partit des produits dits "résorbables".
L’acide hyaluronique (du grec hyalos = vitreux + uronique parce qu'il a d'abord été isolé dans l’humeur vitrée de l'œil de bœuf par Karl Meyer en 1934 et qu'il possède un haut taux d'acide uronique; c'est un glycosaminoglycane ou mucopolysaccharide, polysaccharide naturel associé à une fraction protéique, constitutant des tissus conjonctifs épithéliaux et nerveux. Retrouvé dans l'humeur vitrée et le liquide synovial, la peau et les cartilages, le cordon ombillical.
L’acide hyaluronique natif, de par ses propriétés physico-chimiques, prticipe à la structure des tissus et contribue de façon significative au maintien de l’hydratation; son potentiel hygroscopique est plus élevé que tout autre polymère naturel ou synthétique (du fait de son poids moléculaire et son pouvoir osmotique), il participe à la lubrification, à la prolifération et la migration des cellules, favorisant les échanges inter cellulaires. Sa resorption spontannée est due aux hyaluronidases présentes dans le derme.
Il est donc adapté aux applications biomédicales visant les tissus. Le premier produit biomédical à base d'acide hyaluronique, (HA) Healon, a été développé dans les années 1970 et approuvé pour des usages en chirurgie ophtalmique (transplantation de cornée, cataracte, glaucome, etc..). Il sera également utilisé pour traiter l'arthrose du genou, sous forme d'injections dans l'articulation du genou.
En 1990 sa première utilisation esthétique est faite sous forme d’implants solides par la chirurgie grâce à ces propriétés volumatrices de piégeur d’eau. En 1996 le premier AH est d’ origine animale, puis l’industrie va chercher à le produire par extraction de la crête de coq, et par fermentation bactérienne pour élaborer un produit d’origine non animale et augmenter sa durée de vie par réticulation.
On verra apparaître d’abord des produits biphasiques (1996), puis monophasiques mono densifiés (2000), ou poly densifiés (2005). Le choix est donc vaste pour les cliniciens; utilisé simplement dans le comblement des rides et des sillons, les différents procédés d’utilisation les destine à des techniques de " lissage" ou de "volumation", permettant de réaliser de vraies "resculpture" des visages .
Sa production industrielle permet d’obtenir un produit plus robuste, à demie vie plus longue, des degrés d’élasticité différents selon sa réticulation et des viscosités différentes selon sa concentration en HA pour des applications variées. Mais ces "process" modifient sa structure tridimentionnelle et peuvent modifier sa biocompatibilité du fait de la présence de résidus de fabrication.
Ces produits injectables résorbables ont cependant des effets secondaires peu gênants et, surtout non durables, quelques cas rares d’intolérance, et de granulomes précoces seront décrits ces dernières années. Il reste cependant le produit le plus sûr d’utilisation en 2008.
8.5.5 Les autres "fillers"
Le nombre des "fillers" ne cessera de croître. Souvent issus de l’utilisation d’autres types d’implants médicaux ou de fils de sutures utilisés en chirurgie, des produits, plus lentement dégradables à base d’acide polylactique ou de céramiques bioactives, cristaux d’hydroxylapatite. Ils vont apporter des résultats en général satisfaisants. On considère aujourd’hui que leur tolérance, à court terme, est émaillée de peu d’effets secondaires, minimes et toujours réversibles et qu’à long terme, si l’interrogatoire préalable au traitement a été exhaustif, l’apparition de granulomes à corps étranger est exceptionnelle.8.5.6 Une utilisation reconnue dans le traitement des lipoatrophies
De la même façon qu’après les séquelles de la syphilis et de la tuberculose on ait tenté de reconstruire les visages, les méthodes de comblement vont être utilisés pour lutter contre les conséquences, au niveau du visage des traitement contre le SIDA : le syndrome de lipodystrophie décrit dès 1998.
Il s’agit d’une redistribution anormale de la graisse péri-viscérale (intra abdominale) et sous-cutanée chez des patients recevant ces traitements.
Ce syndrome, comporte deux syndromes distincts :
1 - une accumulation de graisse péri-viscérale et sous-cutanée abdominale sur la nuque " la bosse de bison" avec augmentation de la taille des seins
2 - une perte de la graisse sous-cutanée (lipo atrophie) du visage, des bras, des jambes, des fesses ainsi qu’une veinomégalie (aspect proéminent du réseau veineux des membres).
La lipoatrophie faciale (LAF) est caractérisée par la fonte des boules graisseuses de Bichat et une atrophie du tissu adipeux rétro orbitaire. Cela donne au visage un aspect caractéristique avec un creusement des joues, des orbites et des tempes ainsi qu'une proéminence des arcades zygomatiques et des plis nasogéniens. Cet aspect rappelle la cachexie et stigmatise les patients atteints de VIH alors qu'ils sont stabilisés par le traitement.
Ces changements physiques, révélateurs de la prise d'un traitement antirétroviral et de l'infection par le VIH, étant néfastes pour les patients et pouvant conduire à une diminution de l'adhésion au traitement à un échec immunovirologique, voire un rejet total du traitement, des solutions ont été recherchées. Sous l'impulsion de deux médecins (le Dr Thierry Saint-Marc et le Dr Patrick Amard,et d'un chirurgien (le Dr Philippe Levan) la chirurgie plastique et l'utilisation de produits de comblement seront utilisés; aujourd’hui un produit de comblement de type semi-résorbable obtiendra une AMM dans cette indication .