HISTOIRE DE LA MEDECINE ESTHETIQUE
"Une Histoire de la Médecine Morphologique et Anti-âge"
Des papyrus d’Ebers aux lasers, comblements et toxine botulique
Dr Isabelle PAUL-GUENOUN © 2008

VII - LA REVOLUTION, L’EMPIRE :LE  XIX siècle

   Période riche en bouleversements historiques, de la révolution française aux premières républiques, ce siècle voit  l’explosion des mouvements littéraires, artistiques et scientifiques préfigurant le XX°siècle et la révolution industrielle.

  7.1 - L’ESSOR DE LA MEDECINE

      7.1.1 - Après la révolution - amélioration des conditions de soins

   La révolution transforme, renouvelle et donne un nouvel essor; nouveaux hôpitaux, les lits a plusieurs malades sont supprimés, aération  de règle, on utilise des produits chimiques pour désinfecter les locaux. C'est la naissance de l'anatomie comparée, de l'anthropologieet de la biologie
    La Mettrie soutient que le cerveau sécrète la pensée comme le foie la bile, les pensées sécrétées s'accumulent de générations en générations » C'est l'époque des amphithéâtres de dissection, des galeries d'histoire naturelle (reproduction en cire colorée). Les écoles anatomiques se développent dans toutes l'Europe. Bichat fonde l’anatomie générale et contribue au développement  de l’histologie vers la fin du XVIII.

       7.1.2 - Le XIXème Explosion des connaissances médicales, chirurgicales, l’anesthésie

            7.1.2.1  -les grands anatomistes

  Les anatomistes du XIXe siècle ont des origines et des fonctions très variées et ne sont pas que des médecins ou chirurgiens (physiologistes, biologistes, conservateurs de musée, etc.). La médecine moderne apparaît avec la méthode anatomo-physiologique.
  La Société Anatomique de Paris est fondée par Laennec, Dupuytren et Cruveilhier. On étudie le système nerveux, la paléontologie. On élabore une anatomie topographique et chirurgicale pour la sécurité des amputations, avec : Béclard, Denonvilliers,Tillaux et Farabeuf. Dans ce même siècle sortent de grands traités d'anatomie comme l'atlas lithographique de J.-M Bourgery en (1830-1848), ou l'ouvrage sur les lymphatiques de Sappey.
   En Italie les travaux portent surtout sur la neuro-anatomie avec Corti, Pacini, Giacomini et Golgi.

  7.1.2.2 - les grands Noms de la médecine et de la chirurgie

  Laennec élève de Covisart, invente le premier stéthoscope. La chirurgie, se développe avec Dupuytren, Lisfran, Wells, Morton, Simson. Pean décrit le procédé d’hémostase et procède à la pose de prothèses en chirurgie maxillo faciale.

  7.1.2.3 - naissance de l’anesthésie

   Avant le XIXème, seules quelques plantes comme la belladone, la mandragore, le pavot sont utilisés pour atténuer la douleur, Ambroise Paré utilisait des cocktails d’opium et d’alcool, on  pratiquait aussi une saignée dans la zone à insensibiliser, on a aussi recours au magnétisme et a l’hypnose, puis au début du siècle des médecins et dentistes font des essais avec de l’éther et du chloroforme mais la encore ils se heurtent à la septicité de leurs confrères.
   L’anesthésie, apparaît enfin  grâce aux  progrès de  chimie qui a met en évidence les effets anesthésiques du protoxyde d’azote (Davy), l’isolement de la morphine, la découverte du chloroforme.

  7.1.2.4 - naissance de l’antisepsie et passage de l’antisepsie à l’asepsie

  C’est grâce à Pasteur (1855-1879) qui bat en brèche la théorie de la génération spontanée dans la « théorie des germes" et qui, surtout, va montrer la pertinence de l'idée de dissémination aérienne des micro-organismes et Joseph LISTER (1827-1912), que l'antisepsie moderne va naître.
   Médecin chirurgien à Londres en 1852, il avait constate avec effroi les ravages de la gangrène sur les fractures ouvertes; le taux de mortalité suite à amputation s'élève à 70 %. En 1867, il traite les plaies avec un antiseptique, l'acide phénique, le phénol. Le taux de mortalité tombe à 12 %. Sa découverte, reprise par Just Lucas Champonnière en France en 1870, fut toute fois accueillie avec beaucoup de scepticisme, non utilisée pendant la guerre de 70 qui fit des ravages, il faudra attendre 1880 pour  qu’elle le fut.
   La fin du XIXème siècle se caractérise par le passage de l'antisepsie à l'asepsie, car on parle de microbe pour la première fois et on s'efforce d'opérer en milieu aseptique : air filtré, salle d'opération lavée à grande eau, instruments et linge soumis à la chaleur de l'étuve, les instruments emmanchés en bois sont remplacés par des instruments entièrement métalliques, facilement stérilisables; POUPINEL invente l'étuve sèche à 180°C et CHAMBERLAND l'autoclave dans les années 1880; en 1889, HALSTED, chirurgien américain, utilisera pour la première fois des gants en salle d'opération
On va donc voir la transformation des conditions d’opération et de soins

   7.2 - DEBUTS DE LA CHIRURGIE RECONSTRCTRICE

   En chirurgie commencent les opérations reconstructrices pour améliorer l’apparence de personnes mutilées notamment par les maladies, les guerres napoléoniennes. La première pose de plaque de métal pour corriger l’arrête du nez par le Chirurgien berlinois Dieffenbach

 

  7.3 EVOLUTION DE LA DEMANDE CORPORELLE ET ESTHETIQUE

   En même temps que la lente déchristianisation, la lente montée de la démocratie, donne un  accès plus libre au  le recours au soins, à l’artifice et même  à la transformation de soi.

               7.3.1 Deux courants esthétiques s’opposent

   Pendant ce siècle, deux stéréotypes de femmes se partagent le devant de la scène médicale esthétique : la petite bourgeoise et la belle malade.
   Le premier modèle est porté par cette période qui  porte aux nues la vertu et la féminité accomplie, l'épouse vertueuse. Bien en chair, brune, le corps laiteux, cette femme incarne la beauté dans son aspect le plus lisse et le plus codifié. La Castiglione, lourde et massive, est ainsi considérée comme l'une des plus belles femmes du Second Empire. La corpulence est le signe d'une maternité satisfaite. Elle est renforcée par des faux-cils et des corsets portant la poitrine en avant. Plus vertueuse que désirable, « Madame » correspond à un canon de beauté concret, auquel s'oppose l'autre stéréotype dominant.
  La belle malade aux yeux cernés... Le maquillage des lèvres, considéré alors comme du plus mauvais goût, était réservé aux actrices de théâtre et aux prostituées. Les seuls produits de beauté "autorisés" étaient le tout nouveau cold cream et la glycérine., on retrouve l’usage de l’eau pour nettoyer la peau Cette tendance, qui dura jusqu'à la fin du XIXe siècle, ne s'adressait pas aux "gens du peuple", trop occupés aux tâches ouvrières harassantes de l'ère industrielle en pleine explosion. Résultat: tout le monde avait mauvaise mine, et les parfumeurs se désolaient...
   Parallèlement, le Romantisme de la fin du XVIII donna naissance à une mode triste etmême morbide. L’image de la féminité est maladive; une malade des nerfs, dont le déséquilibre confine à la folie et dont la figure emblématique pourrait être Camille Claudel, ou une malade du corps, telle Marguerite Gauthier, tuberculeuse magnifiée par Alexandre Dumas dans "La Dame aux camélias".(La tuberculose, qui se développe en Angleterre à la fin du dix-huitième siècle, se propage en France et touche de nombreuses personnes).
   L'écrivain Gustave Flaubert (1821-1880) invente le personnage malheureux d'Emma Bovary, à laquelle il attribue des propos tels que: "J'ai le regard penché sur les mousses de moisissure de l'âme".. Les hommes adoptaient un look de dandy, tandis que les femmes s'ingéniaient à blanchir leur teint, et allaient même jusqu'à bleuir leurs cernes à l'encre pour les rendre plus visibles. à boire du vinaigre et du citron pour se brouiller le teint et dormaient peu pour se faire des cernes sous les yeux.
27- La Castiglione                                   28- Camille Claudel

       7.3.2   Apparition de la distinction maquillage et soin, persistance de l’idéal pâle

   La peau aide à la fonctionnalité du corps aux échanges, son entretien garantit la propreté mais aussi la vigueur et la santé les conseils d’hygiène sont transformés après 1860 on voit la réapparition des bains publics
   En dehors du discours esthétique, apparaît  le discours sanitaire, les produits devront êtres inoffensifs et non nocifs. Le  maquillage, défendu par Baudelaire, reste un geste esthétique   qui améliore l’apparence,  tandis que les soins de beauté relève d’un geste médical et biologique. D’une manière générale l’apparence préférée est la pâleur, un peu de rouge léger pour souligner la délicatesse, comparées aux fleurs délicates. La peau pâle marque la distinction, on utilise des  ombrelles,  les volets sont fermés, les  rideaux lourds, les  éphélides  sont la marque de conditions sociales difficiles.

      7.4 DEBUT DE REPONSE COSMETIQUE, MEDICALE ET CHIRURGICALE EN ESTHETHIQUE

   On cherche des produits anti- âge ; des crèmes à base de paraffine, sont utilisées mais l’achat de produits  de beauté et la fréquentation des instituts reste confidentiel, discret, caché. C’est le début des recherches sur le phénol, les propriétés de la résorcine (le premier  peeling de Unna est décrit en 1882)

                 7.4.1 Premières opérations esthétiques

   Elles vont se faire, sur les nez, puis sur le ventre par un chirurgien Américains Howard Kelly  chirurgien innovant en gynécologie obstétrique et en oncologie sur une femme de 125 kg.

                   7.4.1 Premières injections de produits de comblement  à visées réparatrices

   Les  premières tentatives d’injections de produits de comblement dans les tissus mous vont être réalisés, pour combattre les effets de la tuberculose avant la généralisation de la vaccination. Ce fut Neuber (18), en 1893, chirurgien allemand, au sein de la toute première clinique utilisant des principes d’asepsie rigoureuse avec air filtré, qui va utiliser avec succès la graisse autologue dans un visage déformé  par la tuberculose osseuse .

 29- Gustav Adolf Neuber                                        

  Puis (19) le Chirurgien viennois Robert Gersuny en 1899, qui utilisera de la vaseline, pour corriger l’absence de testicule d’un patient castré pour une épididymite tuberculeuse. Le succès immédiat de l’intervention l’incitera à pratiquer cette injection dans les tissus mous. Le produit semi liquide après chauffage était injecté, puis durcissait en se refroidissant et restait stable et inertes dans l’organisme
   Par la suite Eckstein substitua à la vaseline la paraffine dont la température de fusion (65 degrés) était trop élevée pour que le produit s’amollisse après l’injection. La technique  suscita l’enthousiaste et fut utilisée pour la cure des fistules palatines ou urinaires, des hernies, puis dans des indications esthétiques : comblement des rides de la face, gonflement des joues et du front, augmentation mammaire et de la verge, et surtout traitement des ensellures nasales. Bien que des complications graves furent signalées rapidement, cette technique fut utilisée pendant le 2O premières années du XX siècle. Même en cas de bons résultats, des complications liées à la dispersion de la paraffine créaient  en effet des nodules inextirpables : les paraffinomes, granulomes à corps étrangers persistants pendant plus de 10 ans.